Hey, how are you doing today ?

"Est-ce vous allez bien aujourd'hui ?"
Une questions qui résonne sans relâche dans les dinner, les coffee shop, les épiceries bio et les magasins de vêtements.
Une question policée de laquelle émane cet inébranlable optimisme américain sous une belle tranche de futilité.
Une question rhétorique à laquelle il n'y a pas d'alternative en dehors de "Great ! Thank you".
Une question à laquelle on a surtout pas envie de donner de réponse.



Qui pourrait s'offusquer ? En France, le "Ça va ?" contamine chaque première rencontre matinale sans qu'aucune réponse ne soit même attendue. Mais le script est court et permet de ne pas se lasser de l'habituel "Bonjour". 

Mais cette insistance anglophone équipée de son sourire contraint lorsqu'on passe la porte d'une boutique est perturbante pour un étranger. Artificialité ? Non, customer service ! Peut-être mieux vaut-il se vêtir d'un faux sourire que d'une mine sombre et apathique. En effet, le "Qu'est-ce tu veux ?" désabusé du serveur branché du canal de l'Ourcq parisien ne semble pas une alternative. Mais je suis dorénavant tendu à l'approche de leurs dents étincelantes. 


I y a quelques jours, dans un super-marché ("Trader's joe" pour les intimes) équivalent à "coop" en France, j'ai pu assister à la caisse, à la conversation la plus insignifiante de mon voyage. Du traditionnel "Hi, how are you ?" la discussion a basculer vers l'explication de la part de la cliente de ses projets du week-end. Avec notamment, et vous n'en reviendrez pas, de la visite de sa petite cousine qu'elle n'a pas vu depuis ... 4 ans ! Woo ! Et sans nous laisser le temps de nous en remettre elle enchaîne sur la description de son jogging matinal et de son régime alimentaire à base de jus vert. Non seulement la narration était solide mais elle s'appuyait, en outre, sur les exclamations de joie et d'enthousiasme de la caissière. Lorsque ce fut à mon tour, j'ai mis mes écouteurs.

Mais la question légitime est la suivante: est-ce simplement la tentative désespérée d'une population endoctrinée de nous communiquer sa détresse et sa contrariété ? Jamais je ne percerai dans le slam avec mes rimes en . Quoi que ? La production musicale locale est très vaste et fait souvent sonner son organe fétide. Voici un exemple de choix de la région de Los Angeles


Il faut savoir que Los Angeles est inévitablement vu comme la capitale de l’artifice et du sur-jeu avec toute la communauté "entertainment": le cinéma, la musique et le bullshit d'entrepreneur. Je pense en revanche qu'on est face à une subtile métaphore du fonctionnement radical du pays ! Elle révèle d'un côté son fonctionnement marxiste: pas de salaire minimum ? Mieux vaut que tu aies une bonne dentition. Et d'un autre côté, la façade exaltée (aussi appelée "joie, bonheur et papillons") qu'affichent les américains dans leurs relations sociales. On ne montre jamais ses faiblesses et tout, de l'achat du lave-linge au visionnage du dernier navet de comédie romantique, est "amazing" ! C'est souvent agréable mais parfois pénible. J'avais attrapé froid, le nez qui coule, des cernes noires et les yeux rouges, les américains me crispaient un peu alors.

Ce qui est étonnant c'est que la communauté scientifique, usuellement distante, froide et arrogante est ici bien plus chaleureuse (exception faite des pontes millénaires du domaine qui semblent souvent apprécier les conflits). J'aime cette approche et il ne me reste plus qu'à apprendre à distinguer entre réalité et fiction. Ce qui se consiste, dans ce milieu, à savoir traduire une même expression de sur-excitation entre "ton projet est fantastique, tu peux te lancer !" et "Mouais, je ne vais rien te dire, mais j'ai des relents rien qu'en t'écoutant m'en parler".

Une question reste néanmoins non résolue: Si on apparaît passionné, voire enfiévré, face une connaissance nous décrivant sa soirée du dimanche où elle est restée chez elle et n'a vu personne. Qu'en est-il des moments où l'on est réellement intéressé ? Est-ce qu'on assiste à l'effet inverse et l'américain devient agressif ?


Je suis intransigeant. Mais je suis surtout étranger et un peu perdu dans ce nouvel univers. Sans doute moi aussi dans quelques mois je me blanchirai les dents...

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